I’ve got your back
Je te couvre, j’assure tes arrières
Recherche photographique sur le female gaze
Les femmes, les mères n’apparaissent pas ou peu dans les albums photos de famille. Une émission et un article sur Radio France et dans Le Monde en janvier 2022, puis un article dans Libération en août de la même année. C’est de là que part ma réflexion.
Commençant une retrospective photographique, je me rends compte que dans l’intime, ou de ce qui sort du projet en tant que tel, je photographie, beaucoup, les personnes de dos. Je commence donc à questionner cette posture, ce regard. Est-ce ma manière, finalement, de me positionner dans le monde ? Face, ou plutôt à l’arrière, de celles et ceux que j’aime, voire même avec de parfait·es inconnu·es.Je cherche dans mes souvenirs d’enfance. Ma grande-tante nous imposait, à mes cousins, mes frères et moi, des photos de face, posées, avec des grands sourires. Ce qui, avec le temps, nous exaspérait, à en devenir une moquerie, une taquinerie familiale.
Quant aux albums photos de ma mère, à y regarder sous ce nouveau jour, ils sont remplis éparsement de photo de dos. D’instants pris à la volée, en toute discrétion, pour préserver l’intimité et la douceur de ces instants, avec pudeur. Elle vient peut-être de là cette posture. De mon imagerie familiale. De plus de trouver cela esthétique, il s’est peut-être opéré une transmission intergénérationnelle d’une culture de l’image de l’intime et du poétique.
Mais sous le prisme du féminisme, je m’interroge également sur ce qu’induit ce regard. Est-ce parce qu’il est féminin ? Pourtant, ma grande-tante n’opérait pas ce genre de clichés, et même plutôt l’opposé. Ma grande-tante parle peu, voire pas du tout, et ces instants étaient les seuls où elle prenait place. Elle prenait corps et voix, pour demander une seconde d’attention.
Est-ce un regard de petite fille réservée qui s’exprime par ce biais ? Des injonctions extérieures qui ont transformé un regard ? Une mise à distance, un retrait ? Suivre plutôt qu’être en tête ? Ou un regard maternant ? Observant l’action, surveillant, ayant une vue globale ? Ou tout simplement, un respect de l’espace de l’autre, sans intrusion, qui permet une plus grande force d’identification ?
Saisir l’intime dans l’amour, la douceur et la bienveillance et le revendiquer comme politique ?